Benoît Jacquot tenait là un sujet en or : les derniers jours du règne de Marie-Antoinette. Adaptation du roman de Chantal Thomas, Les Adieux à la Reine se veut être un dépoussiérage du film d'époque autant qu'une radiographie d'un monde en train de mourir. Le cinéaste a la carte, comme on dit, et la critique incroyablement élogieuse a voulu y voir un chef d'oeuvre qui n'est pas sur l'écran. Mais le film mérite bien que l'on s'y attarde.
En 1789, à l'aube de la Révolution, Versailles continue de vivre dans l'insouciance, loin du tumulte qui gagne Paris. Sidonie Laborde, jeune lectrice entièrement dévouée à la Reine, ne veut pas croire les bruits qu'elle entend. Protégée par Marie-Antoinette, elle ignore qu'elle est en train de vivre ses derniers jours à ses côtés.
Léa Seydoux
C'est l'agitation permanente et l'atmosphère prégnante de fin de règne que captent le mieux Benoît Jacquot, insufflées par l'inquiétante musique de Bruno Coulais. La caméra mobile s'engouffre dans les allées et moindres recoins de Versailles afin de faire ressentir une sensation de chaos, où les appartements sont peu à peu dépouillés de leurs meubles et où les rats semblent avoir trouvé un nouveau refuge, sans que les principaux intéressés ne semblent mesurer la gravité de la situation. Une fébrilité qui contamine la cour à mesure que l'issue dramatique ne devienne inexorable. Les fidèles du roi se précipitant vers le souverain pour courir aux nouvelles et cette enfilade de pièces plongée dans une ténébreuse pénombre sont autant d'images d'une société en déclin.
Diane Kruger
L'oeil du film est celui de Sidonie par lequel on entre dans les méandres de la Grande Histoire. Son refus de voir la vérité en face est lié à sa passion aveugle pour la reine. Un deuxième film commence alors, qui s'intéresse au pouvoir magnétique exercé par Marie-Antoinette sur sa jeune courtisane. La fraicheur et la détermination de Léa Seydoux animent son personnage, présent dans presque tous les plans du film. Face à elle, Diane Kruger tente de composer une reine follement amoureuse d'une autre femme, étrangère au chaos qui l'entoure et mal aimée. Mais l'actrice n'arrive pas à nous fasciner comme elle fascine la jeune Sidonie, et Benoit Jacquot échoue à rendre ambivalente la relation entre ces deux femmes et le rapport de soumission qui l'accompagne.
La distance que le cinéaste affiche avec ses personnages va malheureusement trouver son point d'achèvement dans la troisième intrigue du métrage qui s'intéresse à l'histoire d'amour entre Madame de Polignac et Marie-Antoinette. Virginie Ledoyen, qui campe la favorite de la reine, est étonnamment transparente, le cinéaste ne lui donnant pas l'opportunité d'exister, à l'exception d'une scène de rupture filmée avec un maniérisme que l'on ne pardonnerait sans doute pas s'il ne s'agissait pas de Benoît Jacquot. Les afféteries stylistiques du réalisateur, à coups de zooms incessants finissent par agacer et provoquent un manque d'empathie avec les protagonistes. Et la cruauté qui aurait du culminer lors de l'épilogue ne débouche en réalité sur pas grand chose. Si Benoît Jacquot voulait nous frustrer en nous tenant éloigné de son histoire, le pari est réussi. Mais celui de réaliser un grand film romanesque ne restera définitivement qu'une chimère.
Antoine Jullien
Pour une meilleure et sans doute plus exacte connaissance des rapports entre Marie-Antoinette et Madame de Polignac, voir l'excellent livre de Nathalie Colas des Francs : "Marie-Antoinette et Madame de Polignac, une amitiés fatale". (Editions Les 3 Orangers)
RépondreSupprimerBonjour, je reconnais que Virginie Ledoyen n'est pas crédible dans ce rôle mais à sa décharge, il est pratiquement muet comme si le dialoguiste n'avait pas su quoi lui faire dire. Sinon, j'ai trouvé ce film réussi avec son air de "Versailles comme si vous y viviez à cette époque". Je dois dire que cela m'a donné envie de lire le romand de Chantal Thomas. Bonne après-midi.
RépondreSupprimerJe partage votre scepticisme sur certains choix techniques et artistiques (en particulier ces zooms et dézooms incessants). Cependant je ne vous suis pas lorsque vous parlez d'un film raté faute d'avoir pu faire entrer le spectateur dans la passion entre Marie-Antoinette et une Ledoyen-Polignac sans corps. Ce n'était pas le sujet. L'idée du film est de montrer la panique, la frivolité et le cynisme de la Cour dans ces heures cruciales en l'observant depuis les coulisses. Le regard de Sidonie est celui d'une domestique-courtisane et, autour d'elle, gravitent d'autres domestiques aux regards plus critiques. Le talent du réalisateur est de nous faire vivre le dévouement aveugle de Sidonie jusqu'à cette scène où elle reçoit l'horrible récompense à sa passion cachée (toute contenue dans la broderie). Là, tout s'effondre et Benoît Jacquot réussit son pari : nous montrer l'idiotie d'une reine et d'une cour qui n'ont toujours rien compris de la contestation politique sociale et qui continuent de courir vers leur fin. Aucune volonté "romanesque" dans ce film mais une lecture très originale, fine et atypique, de l'Histoire de France.
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