mercredi 14 mars 2012

Cloclo


On pouvait craindre le pire d'un énième biopic sur la carrière d'un chanteur aussi populaire que Claude François, avec les sempiternelles passages obligés sur la grandeur et la décadence d'un artiste, sous le contrôle avisé des fils de la star !  Et pourtant, la surprise est totale, et on la doit à Florent-Emilio Siri que l'on attendait pas forcément aux commandes d'un tel projet. Le réalisateur de L'Ennemi Intime n'a pas cédé à l'hagiographie facile et délivre un portrait nuancé de l'homme, tourbillonnant d'énergie. 

Le film raconte par le menu la vie de Claude François, de son enfance en Egypte à son rapatriement en France en passant pas ses débuts chaotiques jusqu'au triomphe. Vedette de la chanson mais aussi homme d'affaires remarqué et pro du marketing, Claude François était une personnalité à multiples facettes, perpétuellement en mouvement. 

Jérémie Rénier

C'est ce rythme frénétique qui parcourt tout le film de Florent-Emilio Siri. Grâce à d'électrisants numéros musicaux qui montrent Claude François virevolter à un concert d'Otis Redding puis à son tour faire chavirer les spectateurs sur scène, Cloclo est terriblement entraînant à mesure que la personnalité du chanteur se complexifie et que l'on voit sa vie se densifier. La caméra alerte du cinéaste filme ce destin hors du commun en faisant pleinement confiance à son récit linéaire. A la différence d'Olivier Dahan dans La Môme qui avait abusé d'inutiles coquetteries narratives, Siri suit un classicisme très efficace, faisant preuve d'une belle maîtrise lorsqu'il utilise à plusieurs reprises le plan séquence, d'abord lors d'une scène emblématique où l'on voit Cloclo, au volant de sa voiture, embrasser ses fans en furie les unes après les autres, puis au Moulin de Dannemois, son repère, où l'on comprend qu'il cache l'existence de son deuxième fils. Une mise en scène en totale adéquation avec le personnage qui ne cherche pas non plus à sursignifer une époque mais à la rendre authentique. 

Comme tout biopic, Cloclo ne se prive pas de transformer des faits avérés en purs instants de cinéma, particulièrement lors de la création de certaines chansons. Ainsi, Comme d'habitude trouve son inspiration au bord d'une piscine et la genèse de Magnolias For Ever est due à une rencontre avec un DJ féru de disco. Si ces passages sont évidemment romancés pour les besoins de la fiction, ils fonctionnent en termes de cinéma, accentuant la part romanesque délectable du film, et prouvent le flair incontestable de Claude François pour dénicher de nouvelles tendances musicales. 


Mais c'est en creux le portrait d'un homme pétri de contradictions, d'un narcissisme effréné, jaloux, caractériel et maniaque qui se dessine progressivement. Siri et son scénariste Julien Rappeneau ont semble-il eu les coudées franches pour raconter les nombreux travers de la star. Son attitude contestable avec ses enfants et ses méthodes peu scrupuleuses pour retrouver le devant de la scène témoignent d'un être en perpétuelle quête de reconnaissance. Siri va jusqu'à utiliser la chanson Comme d'habitude pour illustrer une poursuite entre la star et sa futur fiancée, une manière de montrer son caractère éminemment possessif. 

Le film n'est pas parfait, et il est regrettable que Siri appuie lourdement sur le trauma familial du chanteur pour expliquer son comportement, bien que le déracinement brutal dont il a été victime puis le reniement de son père peuvent être perçus comme des éléments clefs dans son attitude. Mais le charisme étonnant de Jérémie Rénier emporte tout sur son passage, se rendant détestable par endroits et émouvants dans d'autres et le reste de la distribution est à l'unisson, à l'exception notable de Benoît Magimel en Claude Lederman qui surjoue outrageusement dans les premières séquences. L'ensemble reste emballant et s'il n'atteint pas la créativité euphorisante d'un Gainsbourg (vie héroïque), il n'en demeure pas moins un objet de cinéma tout à fait recommandable. 

Antoine Jullien

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