mercredi 29 février 2012

La mer à boire


Jacques Maillot a eu l'envie de nous raconter le malaise social actuel non pas du point de vue de l'ouvrier mais du patron, un parti-pris original assez rare dans le cinéma français. Après le polar Les liens du sang, le cinéaste raconte les difficultés d'un homme qui va devoir aller de renoncements en compromis afin de sauver son entreprise qu'il a passé toute sa vie à construire... 

Le plus réussi du film est à la vie de cette PME de bateaux de luxe que Jacques Mailllot décrit avec une précision documentaire. Des génuflexions de son associé au mépris des banques en passant par l'agressivité d'un repreneur déterminé, Daniel Auteuil doit, tel un capitaine de navire, faire vent debout sans perdre ses convictions. Le personnage est un homme intègre, humain, qui supporte difficilement les sacrifices qu'on lui impose, à commencer par licencier une bonne partie de son personnel. Et c'est là que le récit dévisse... 

Daniel Auteuil

Le cinéaste ne semble pas assumer jusqu'au bout ce point de vue en s'obligeant à rajouter des personnages périphériques qui n'ont aucune existence à l'écran. La relation entre le jeune syndicaliste en colère avec l'une des employées de l'entreprise est caricaturale et tourne court, le cinéaste s'en désintéressant rapidement. De même que cette improbable amourette en Russie, parenthèse dont il aurait pu faire l'économie et qui montre de sa part une rigueur géographique bien incertaine, faisant croire au spectateur que l'action se déroule à Moscou alors que l'on voit bien qu'elle a été tournée à Kiev. La majorité des spectateurs ne le verront sans doute pas mais la supercherie demeure grossière. 

Les métaphores maritimes conviendraient décidément bien à ce film qui alterne gros temps et flottements intempestifs, ne convaincant qu'à moitié. Bien qu'il donne l'impression de surnager par moments, Daniel Auteuil retrouve un rôle à sa mesure et arrive épisodiquement à nous toucher dans sa quête d'entrepreneur. Mais il ne peut pas sauver un scénario trop inégal où les tentatives de romanesque échouent, plombé par une fin démonstrative et lourdement symbolique qui vient diluer un propos et des intentions louables. Un coup d'épée dans l'eau, en somme. 

Antoine Jullien

1 commentaire:

  1. Et dire que je voulais voir le film...
    Un coup d'épée dans l'eau...
    --
    Steady as she goes!

    RépondreSupprimer