La Charte des devoirs professionnels des journalistes français édicte qu'"un journaliste digne de ce nom (sic) (...) ne touche pas d'argent dans un service public ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d'être exploitées ; ne signe pas de son nom des articles de réclame commerciale ou financière ;(...) n'use pas de la liberté de la presse dans une intention intéressée."
Qu'il est jubilatoire d'assister à la projection des Nouveaux chiens de garde * en présence de journalistes directement concernés ! Les réalisateurs Gilles Balbastre et Yannick Kergoat ont voulu mettre les pieds dans le plat en dénonçant tous azimuts la collusion entre les médias et le pouvoir. Une rengaine vieille comme l'an mille mais qui a le mérite, à travers des exemples savamment choisis, de nous interpeller sur ce que l'on voit et entend à longueur d'antenne. Et c'est édifiant.
Grâce à l'appui d'intervenants que l'on voit rarement à la télévision, le duo passe à la moulinette de nombreux faits qui vont bien évidemment dans le sens de leur démonstration. On apprend notamment que de nombreux journalistes exercent des "ménages", qu'ils sont grassement payés pour la présentation d'un séminaire d'entreprise où la création d'une nouvelle start-up. Activité peu ou pas assumée, Balbastre et Kergoat en dénichent bien d'autres. Ils pointent les renoncements successifs de Michel Field ou Philippe Val, démontent le faux pluralisme en décryptant l'ahurissant jeu de chaises musicales entre les patrons des grands médias, brocardent les avis des experts qui passent d'une chaîne à l'autre pour servir le même discours en se trompant parfois lourdement ou bien les oppositions de facade entre deux chroniqueurs supposés d'avis divergents à travers un très amusant montage de leurs répliques.
C'est une dissection en règle du système réalisée dans un esprit militant parfaitement assumé. Même si le pamphlet se prive de toute nuance, son analyse fait mouche. Et révèle ce que l'on ne dit pas, à savoir que la société médiatique est certes dépendante du pouvoir mais surtout dépendante d'elle-même. Tous ses acteurs viennent finalement d'un même milieu avec leurs us et coutumes et ont comme priorité majeure la défense et la sauvegarde de leurs privilèges. A plusieurs reprises, Balbastre et Kergoat utilisent, comme un running gag, les arrivées de diverses personnalités de l'élite médiatico-politique se réunissant au Siècle, une sorte de club de rencontres très confidentiel dans lequel les connivences et les échanges de bons procédés prennent toute leur place. On ne peut s'empêcher de rire jaune face à ce spectacle d'une classe dirigeante très orgueilleuse de son pouvoir. Si l'on ne partage pas toujours les convictions de nos deux empêcheurs de tourner en rond et que l'on peut légitiment émettre quelques réserves sur le propos parfois réducteur, voilà un film qui nous divertit avec humour tout en nous interrogeant sur une question essentielle : les blogs ne seraient-ils pas la dernière terre d'indépendance ?
Antoine Jullien
* Le film est adapté du livre de Serge Halimi Les nouveaux chiens de garde (Liber-Raisons d'agir, 1997)
Une grande envie me prend d'aller voir ce film/documentaire.... Un souci pour moi (et je ne pense pas être le seul..) : Le peu de salles où la diffusion est programmée ! J'habite dans l'Aude, quasi désert culturel d'un point de vue cinématographique.... Oui j'en suis réduit à chercher un téléchargement internet prohibé que je ne trouve (évidement) pas...
RépondreSupprimerOui ce n'est pas le genre de film qui sera diffusé en multiplexe...oui les cinés "art et essai" sont de plus en plus rares" et oui internet est censuré.
Bizarrement (pas tans que ça...), peu de journaux en parlent et le sujet est vite passé à la trappe ! Oui Jullelien, "les blogs ne seraient-ils pas la dernière terre d'indépendance ? " . Cedric
email : viennet@hotmail.com
Oui, bon documentaire à quelques nuances près : http://actuecrue.blogspot.com/2012/02/les-nouveaux-chiens-de-garde-une.html. Ouvert à la discussion.
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