mercredi 4 mai 2016

Dalton Trumbo

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Loin du strass et des paillettes, Hollywood a vécu des heures sombres au moment de l’après-guerre. La Guerre Froide battait son plein et le péril rouge était dans toutes les têtes, au point de la faire perdre à certains, à commencer par le sinistre sénateur John McCarthy. La création de la commission des activités anti-américaines avait pour but de débusquer les citoyens aux sympathies communistes. De nombreux acteurs, réalisateurs et producteurs sont publiquement critiqués. Parmi eux, dix scénaristes prestigieux refusent de répondre à la moindre question de la commission, contestant sa légitimité, dont un certain Dalton Trumbo. C’est à cette personnalité pleine de contrastes que le réalisateur Jay Roach consacre un biopic très éclairant sur une époque éprise de paranoïa aiguë.

Accusé d’être un communiste alors qu’il est au faîte de sa gloire, Dalton Trumbo est emprisonné puis placé sur la Liste Noire. Il lui est désormais impossible de travailler. Grâce à son talent, sa persévérance et au soutien inconditionnel de sa famille, il va contourner cette interdiction. 

Bryan Cranston

La mise en scène classique et sobre de Jay Roach, qui s’était déjà intéressé à la chose politique dans le téléfilm Game Change sur la campagne présidentielle de Sarah Palin, sert au mieux le très bon scénario de John McNamara qui explore finement la personnalité de Dalton Trumbo, incarné à la perfection par Bryan Cranston (nommé à l’Oscar pour ce rôle), tout juste revenu de la série Breaking Bad. Un homme pétri de contradictions, membre du Parti Communiste tout en étant le scénariste le plus riche d’Hollywood qui va, au fil des épreuves, se montrer plus pragmatique et moins idéologue que ses collègues, tout en gardant ses convictions intactes. Un homme irascible avec les siens, obsédé par son travail et meurtri de devoir rédiger des scripts sous des pseudonymes, d’abord pour une série de films fauchés avant d’être couronné anonymement aux Oscars grâce à Vacances Romaines et Les Clameurs se sont tues

Michael Stuhlbarg et Bryan Cranston

Sa réhabilitation viendra en grande partie de Kirk Douglas qui lui confie le scénario de Spartacus. L’histoire de cet esclave qui se libère de ses chaînes trouve une résonance évidente dans le parcours de Dalton Trumbo qui pourra, grâce à ce film, enfin signer de son vrai nom. Mais il aura dû affronter des adversaires farouches, notamment la redoutable chroniqueuse mondaine Hedda Hopper (Helen Mirren), au pouvoir de nuisance considérable, et ceux qui l’ont trahi comme l’acteur Edward J. Robinson (Michael Stuhlbarg) qui a livré son nom à la commission.

Le film décrit une atmosphère de suspicion généralisée, au bord de la folie, où certaines légendes d’Hollywood n’en sortent pas grandies (John Wayne en pathétique héraut de la sauvegarde du patriotisme yankee), et brille particulièrement par son humour avec les piquantes saillies de Trumbo et l’irrésistible John Goodman en producteur de séries Z ayant réellement existé, hilarant lorsqu’il évoque le script du Martien et la Fermière qu’un scénariste voudrait rendre plus politique. Malgré lui, il relancera Trumbo qui sera finalement couvert d’honneur et entraînera le déclin de la Liste Noire. Un happy-end réjouissant pour un film passionnant de bout en bout mais qui ne doit pas faire oublier tous ceux mis injustement au ban des accusés dont la carrière a été broyée à jamais.  

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h01
Réalisation : Jay Roach - Scénario : John McNamara
Avec : Bryan Cranston (Dalton Trumbo), Diane Lane (Cleo Trumbo), Helen Mirren (Hedda Hopper), Elle Fanning (Nikola Trumbo), Michael Stuhlbarg.

Disponible en DVD et Blu-Ray chez TF1 Vidéo.

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