lundi 20 janvier 2014

L'amour est un crime parfait


Hitchcocko... connerie pourrait-on se dire à la vision du nouveau long métrage d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu dont seul le titre a un parfum hitchcockien. Car cette adaptation du roman de Philippe Djian, Incidences, qui nous raconte les mésaventures d'un professeur séducteur (Amalric) suspecté par la police d'être responsable de la disparition de l'une de ses étudiantes, accumule les faux pas. L'intrigue d'abord, sinueuse, absconse, qui évite les pleins et ne s'intéresse qu'aux creux. Les dialogues, trop littéraires, au bord du grotesque. La direction d'acteurs, qui réussit le prodige de rendre mauvais des comédiens tel Mathieu Almaric, Karin Viard ou Denys Podalydès, totalement égarés. La mise en scène, enfin, qui vire au je-m’en-foutisme, cumulant les faux raccords de manière assez remarquable. 

Mathieu Amalric, Maïwenn et Karin Viard 

Et cependant, à la sortie de la salle, un curieux sentiment nous gagne. Et si tout ce qu'on reprochait au film ne tournerait pas finalement en sa faveur ? Et si cette fausseté assumée (on l'espère !) et ce rythme languissant nous amenaient à reconsidérer ce à quoi on vient d'assister ? Les dernières séquences rabattent les cartes et l'on ne sait alors plus très bien à quoi l'on a à faire. Ce décor de faculté si décalé au milieu des montagnes, ce scénario si filandreux, ces scènes si peu vraisemblables, ne serait-ce au final qu'un jeu ludique savamment entretenu par les Larrieu afin d'évoquer l'unique sujet qui les intéresse, à savoir l'amour impossible entre deux êtres ? Il est intéressant de noter que la seule comédienne qui dénote dans la partition déroutante imposée par les cinéastes est Maïwenn qui apporte une sincérité dont les autres personnages semblent dépourvus. Et sans trop dévoiler l'intrigue, ses actes justifient malicieusement le titre. L'amour devient bien le sujet essentiel du film et légitime les faux-semblants que les cinéastes ont disséminé jusque-là. L'amour est un crime parfait n'était qu'un leurre, ni un suspense (les Larrieu n'en sont sans doute pas capables), encore moins un thriller, plutôt une bizarrerie romantique. Qui finit par distiller un trouble, léger mais persistant.

Antoine Jullien

France - 1h51
Réalisation et Scénario : Arnaud et Jean-Marie Larrieu d'après le roman "Incidences" de Philippe Djian
Avec : Mathieu Amalric (Marc), Karin Viard (Marianne), Maïwenn (Anna), Sara Forestier (Annie), Denis Podalydès (Richard)



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Gaumont Vidéo.

1 commentaire:

  1. Je viens de voir ce film sur ARTE; il est évidement à prendre au 2ème voire 3ème degré tellement sa "fausseté assumée" est évidente. Le sujet est celui de l'inceste et des dégâts psychologiques qu'il entraîne, l'amour interdit et impossible pouvant générer des pulsions meurtrières inconscientes (meurtre de la femme séductrice et séduite incarnant l'interdit du sexe et meurtre du policier verbalisateur incarnant la loi du père) L'idéal féminin pour le personnage principal ne réside pas dans la pulpeuse et aguichante Annie mais dans la troublante et mystérieuse Anne qui inspire l'attirance et la confiance (par sa "sincérité"?) au point de lui avouer le crime d'aimer physiquement (et accessoirement le lieu où se trouve le corps) On peut imaginer la mère de ce couple frère/soeur incestueux comme une libertine ou une nymphomane et le père comme un absent. La recherche d'une vraie mère passe donc par la rencontre d'une femme sincère en amour et non trompeuse avec laquelle on peut s'abandonner doublée d'une représentante de la loi (Anne fait partie de la police si j'ai bien compris) à qui on peut se confier. Après ça, enfin, on peut mourir!
    L'esthétique du film est soignée, la blancheur des paysages de neige et la clarté transparente de l'Université contrastant avec la noirceur des actes et des sentiments Point n'est besoin d'être un jeune premier pour incarner un séducteur ( et Gainsbourg et Miller...) il n'y a que les intoxiqués par le cinéma américain pour le croire. Il y a bien sûr quelques traits un peu trop poussés mais l'ensemble distille une atmosphère vraiment étrange faisant ressentir le malaise dans lequel vit Marc.

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