mardi 31 décembre 2013

Le loup de Wall Street


Pour clore l'année en beauté, il fallait bien que Martin Scorsese nous offre un film qui soit à la hauteur. Non seulement Le Loup de Wall Street dépasse toutes les espérances mais prouve bel et bien que Scorsese reste l'un de nos cinéastes majeurs et sans doute le plus impressionnant scrutateur de l'american way of life

Si le réalisateur a changé de braquet en nous narrant l'itinéraire explosif d'un trader de Wall Street sans foi ni loi dans les années 80-90, son personnage de Jordan Belfort est pourtant un proche cousin des mafieux notoires qu'il a jadis dépeint dans Les Affranchis ou Casino. Sauf qu'il s'agit à présent de gangsters convenables, propres sur eux, exhibant leur fortune en toute impunité alors que leurs méthodes sont, elles, peu recommandables. Le cinéaste filme prodigieusement un monde décadent dans lequel aucune limite ne lui résiste. Jordan Belfort est bien conscient que cette vie est indécente mais vivre dans la vraie vie n'a, pour lui, tout simplement pas la même saveur. 

 Leonardo DiCaprio et Jonah Hill

Pour incarner ce "rêve américain", le cinéaste a fait une nouvelle fois appel à Leonardo DiCaprio. Le comédien, au sommet de son art, est hallucinant de démesure, de charisme et de fragilité. Une composition immense qui le classe définitivement dans la cour des très grands. Grâce à sa présence magnétique, il arrive à rendre son personnage tour à tour détestable et fascinant, donnant de Jordan Belfort l'image d'un homme en surrégime permanent, une sorte de gourou au bord de l'overdose, et qui se relève (presque) à chaque fois. Ses partenaires ne sont pas en reste, à commencer par Jonah Hill en hilarant associé qui confirme de film en film son talent. Bien que peu présent à l'écran, Mathew McConaughey est aussi délectable dans le rôle du premier patron de Jordan à l'éthique très affirmée et aux rituels indiens iconoclastes. Seul Jean Dujardin fait fausse note, égaré dans le rôle d'un improbable banquier suisse qui ne lui convient guère. 


Le film enchaîne les morceaux de bravoure et les moments d'anthologie à un rythme étourdissant, sublimé par le scénario de Terence Winter et ses répliques tour à tour effrayantes et hilarantes. Le film accumule en effet des moments de franche drôlerie jusqu'à une séquence inouïe dans laquelle Belfort et son acolyte perdent leurs moyens alors que le FBI les écoutent de près. Un grand moment parmi beaucoup d'autres qui confirme une fois encore la maestria du cinéaste mais surtout, et c'est le plus réjouissant, son insolente liberté. Contrairement à ses derniers longs métrages dans lesquels la mécanique de mise en scène écrasait la spontanéité et l'invention, Scorsese se lâche comme jamais avec une vitalité et un enthousiasme qui subjuguent car cette libération sexuelle (le réalisateur n'a jamais été aussi coquin) et artistique sert avant tout un propos sur son pays, l'Amérique, ses dérives, ses excès et ses fondements. Les protagonistes du film n'ont qu'un seul mot à la bouche : "money". En vouloir plus, toujours plus afin d'exister et devenir quelqu'un. 

Bien sûr, Le loup de Wall Street baigne dans l'outrance et le cynisme car Scorsese brosse le portrait d'un univers exempt de toute moralité mais il le filme sans complaisance ni regard moralisateur. La dernière séquence, terriblement lucide, montre à quel point Jordan est loin de toute rédemption. Trois heures de très grand cinéma.

Antoine Jullien

Etats-Unis - 3h
Réalisation : Martin Scorsese - Scénario: Terence Winter d'après le livre de Jordan Belfort 
Avec : Leonardo DiCaprio (Jordan Belfort), Jonah Hill (Donnie Azoff), Margot Robbie (Naomi Laplagia), Matthew McConaughey (Mark Hanna).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Metropolitan Vidéo.

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