mercredi 9 avril 2014

Noé

 
Darren Aronofsky y tenait depuis des années : raconter les quelques pages de la Genèse relatant l'aventure de l'Arche de Noé. Le réalisateur s'intéresse au mythe de Noé depuis l'âge de 13 ans et a très vite commencé à réfléchir à la manière de l'aborder. De ce matériau succinct, le cinéaste en a tiré un (très) long métrage de plus de 2h, épaulé par le scénariste Ari Handel. Ils ont du brodé autour du texte de la Genèse qui ne contenait que très peu d'indications et aucun dialogue, imaginant un drame familial à portée mystique. Interdit dans plusieurs pays musulmans, Noé a déclenché un début de polémique, vite retombé face à l'indigence du résultat.

On était curieux de voir le réalisateur de Black Swan aux commandes d'une superproduction pour la première fois de sa carrière. Au regard de l'impact très personnel du projet, on pouvait avoir confiance en la capacité du cinéaste à soulever des montagnes pour accoucher d'une vision d'auteur. Patatras ! Non seulement l'auteur Aronofsky ne sort pas indemne d'un scénario très problématique mais le cinéaste déçoit également, coupable de ce terrible fatras visuel. S'il réussit plutôt bien le morceau de bravoure du film, à savoir le déluge, comme tout bon artisan hollywoodien qui se respecte, il semble incapable d'imprimer sa patte sur le reste du métrage, à l'exception de quelques transitions qui rappellent ses films précédents. L'ensemble est écrasé par une chape de plomb qui axphixie toute ambition et vélléité artistiques, et le spectateur se sent lui-même assommé par tant de pesanteur.


Le casting ne sauve malheureusement pas Noé du naufrage, où l'on retrouve pêle-mêle Anthony Hopkins qui cachetonne (c'est devenu une habitude), Emma Watson qui se ridiculise à chaque plan et Jennifer Connely, sacrifiée. Quant à Russell Crowe, sa présence massive contribue au charisme du personnage mais son interprétation demeure trop unidimensionnelle.

Contrainte des studios ou naïveté accablante, pourquoi diable le cinéaste décide-t-il de nous retracer la Création du monde comme s'il s'adressait à des enfants de moins de cinq ans ? Et comment justifier cette fin à la lisière du prosélytisme le plus pénible ? Certes, il y a de la noirceur par endroits, notamment lorsque Noé veut sacrifier les enfants de sa fille, et un relent intermittent de discours écologiste. Mais tout cela est asséné avec une telle lourdeur que les nobles intentions sont submergées sous des océans de fadaise. Aronofsky nous jette en pâture un spectacle boursoufflé, dépourvu de la moindre ampleur, qui est définitivement à ranger aux côtés des kouglofs les plus indigestes du genre plutôt qu'à l'intense odyssée spirituelle que l'on pouvait espérer, et qui ne sera, n'en déplaise aux aficionados du cinéaste, jamais sur l'écran. 

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h18
Réalisation : Darren Aronofksy - Scénario : Darren Aronofksy et Ari Handel
Avec : Russell Crowe (Noé), Jennifer Connelly (Naameh), Ray Winstone (Tubal-Caïn), Emma Watson (Ila), Anthony Hopkins (Mathusalem).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Paramount Vidéo.

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