Comme les œuvres ultimes de Charlie Chaplin et d'Alfred Hitchcock, la dernière réalisation d'Alain Resnais est un film mineur. Mineur par ses enjeux, plutôt vains, mineur également dans sa forme, déjà vue. Le cinéaste adapte une nouvelle fois l'auteur britannique Alan Ayckbourn, après Cœurs et Smoking/No Smoking. A l'instar de son fameux diptyque, Resnais reconstitue la campagne anglaise en studio, en présentant chaque décor par des illustrations du dessinateur Blutch. Il ne fait qu'ajouter des travellings avant qui nous font pénétrer dans les maisons de ses personnages qui sont au nombre de six, sans compter le protagoniste fantôme, ce mystérieux George qu'on ne verra jamais.
Il est pourtant le sujet de toutes les conversations. Ses amis apprennent qu'il va mourir et ils vont alors essayer, à leur manière, de l'entourer dans ses derniers instants. Sur ce thème difficile, Resnais en fait un marivaudage un peu suranné, aux dialogues passablement vieillots et aux audaces stylistiques d'un autre temps. Ces gros plans sur les monologues des acteurs avec ce fond en forme d'encart de bande-dessinée ne restera pas comme la meilleure trouvaille du cinéaste qui se répète constamment, utilisant perpétuellement le même procédé visuel. Le cliché qui consiste à dire que Resnais est le plus jeune de nos vieux cinéastes semble ne plus être d'actualité.
Sandrine Kiberlain et Michel Vuillermoz
Étrangement, ses comédiens fétiches, Sabine Azema et Andre Dussollier, sont les plus mal servis. La comédienne en fait des tonnes et ne semble jamais trouver le ton juste, et Dussollier est presque absent, son personnage se contentant de quelques scènes anecdotiques. De cette distribution hétéroclitique où l'on retrouve Caroline Silhol qui revient chez Resnais vingt-cinq ans après I want to go home, c'est indéniablement Michel Vuillermoz qui tire son épingle du jeu, une fois encore formidable de maladresse tendre et de sincérité pathétique.
Pour ce dernier chapitre, Resnais a voulu rompre avec l'image de cinéaste cérébral qui lui colle à la peau en assumant l'aspect ludique et théâtral de son film. Les décors épurés, faits de rideaux déchirés, confinent à l'abstraction dans lesquels les personnages rentrent et sortent en ouvrant et en fermant le rideau de la scène, le cinéaste accentuant cette mise en abîme en filmant les répétitions d'une pièce que les personnages s'apprêtent à jouer. Sandrine Kiberlain déclare même au sujet de l'un des protagonistes que son jeu est "artificiel et forcé", Dussollier répondant malicieusement : "Je préfère le ciné".
Alain Resnais
Disparu il y a quelques semaines, Resnais clôt son film par une image de cercueil. Sa fidèle troupe d'acteurs se recueille une dernière fois avant de laisser la place à la fille du couple Vuillermoz-Silhol. Soudain, l'émotion nous gagne car Resnais filme ce moment avec une étonnante légèreté, conviant la mort comme une libération heureuse, et signe ainsi une déclaration d'amour à la jeunesse qui ne l'aura finalement jamais quitté. Au revoir Monsieur Resnais, et que vos films continuent de nous accompagner, en n'oubliant pas l'essentiel : Aimer, boire et chanter.
Antoine Jullien
France - 1h48
Réalisation : Alain Resnais - Scénario : Laurent Herbiet et Alex Reval d'après la pièce "Life of Riley" d'Alan Ayckbourn
Avec : Sabine Azéma (Catherine), Michel Vuillermoz (Jack), Caroline Silhol (Tamara), Hippolyte Girardot (Colin), Sandrine Kiberlain (Monica), André Dussollier (Simeon).
Disponible en DVD et Blu-Ray chez France Télévision Distribution.
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