mardi 27 avril 2010

Green Zone


Le style ne doit pas faire oublier le fond. Le réalisateur Paul Greengrass connaît bien ce principe et l'a prouvé en nourrissant La Vengeance dans la Peau et Vol 93 d'une substance politique teintée de paranoïa. Avec Green Zone, il nous parle à nouveau de l'actualité brûlante en racontant la recherche de la vérité d'un commandant de l'armée américaine (Matt Damon) parti en Irak retrouver les fameuses armes de destruction massive qui vont vite se révéler un écran de fumée dissimulant une réalité bien sale...

Depuis quelques années, le cinéaste britannique a su imposer une forme moderne du cinéma d'action, à base de caméra portée et d'un art savant du montage elliptique qui provoquent chez le spectateur une perte totale de repère. Ce système, Greengrass le décline de film en film mais comme tout dispositif, il finit par trouver ses limites. Le film est une fois encore d'une grande efficacité et le cinéaste n'a pas son pareil pour placer son héros au coeur d'un chaudron prêt à exploser à chaque instant mais il confond instabilité et mouvement. Sa mise en scène finit par lasser et parasite les enjeux véritables.


On loue, et à raison, l'étonnante capacité des anglo-saxons à se pencher sur leur passé le plus récent et nous autres, français, serions bien inspirés de les imiter. La guerre en Irak a déjà fait l'objet d'une dizaine de longs métrages dont le plus récent, Démineurs, vient d'être primé aux Oscars. Mais contrairement au long métrage de Kathryn Bigelow qui était un film de tension permanente où l'arrière plan politique était mis de côté, Greengrass évoque ouvertement un mensonge d'état connu maintenant d'une grande partie de la population et même si un blockbuster doit s'adresser au monde entier et donc aux personnes, nombreuses, qui ne connaitraient pas la vérité, ce n'est pas une raison pour la travestir.

Les américains ont parfois tendance à transformer des défaites en victoires et c'est ce sentiment au goût amer que laisse Green Zone. Pourquoi nous faire croire que la vérité a éclaté à l'issue du conflit alors qu'il faudra attendre des années avant que la presse américaine ne sorte de son aveuglement ? On ne soupçonnera pas Greengrass et le studio de complaisance intellectuelle mais cet arrangement avec la réalité créé le malaise de même que les personnages, tous unidimensionnels, à commencer par l'informateur irakien de Matt Damon à qui l'on fait jouer un rôle caricatural et facile. Greengrass martèle son message sans nuance pour que tout le monde comprenne mais un peu plus de complexité n'aurait certainement pas desservi un film d'action mené tambour battant au service d'un propos très (trop ?) simplificateur.

Antoine Jullien

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