mardi 1 décembre 2009

Michael le vilain


Michael Moore en a marre. Marre d'être le porte-drapeau des laissés-pour-compte de l'Amérique. Marre de faire de la provoque pour que les choses changent enfin. C'est ce qu'il nous dit dans les dernières images de son nouveau pamphlet alors qu'il vient juste d'encercler Wall Street comme une scène de crime. Les financiers sans scrupule de Big Apple, voilà le diable selon Michael Moore, les responsables d'une tragédie qui a conduit les USA à la banqueroute et le capitalisme au bord de la schizophrénie. Vous le saviez déjà ? Le réalisateur de Bowling For Colombine nous le rappelle à sa manière, tonitruante et sans nuance.

Il commence par faire une attaque en règle du capitalisme d'aujourd'hui en prenant plusieurs exemples isolés qui, mis bout à bout, font mouche. Le plus spectaculaire est celui où l'on voit des entreprises contracter des assurances vie, des contrats surnommés "Dead Peasants" (les paysans morts) sur le dos de leurs employés, où quand le salarié devient plus rentable mort que vivant. Le cynisme poussé à son paroxysme. Michael Moore, peu avare en facilités et raccourcis, boit du petit lait et on ne bronche pas, accablé devant tant d'immoralité mais un peu agacé par le sentiment d'être manipulé sans jamais avoir eu le moyen de se faire sa propre opinion.

Michael Moore

Il n'y a aucune forme de journalisme là-dedans, Michael Moore ne se prétend pas grand reporter. Il nous livre un tract souvent efficace et parfois très drôle notamment quand il fait parler une jeune femme, agent immobilier, comme un parrain mafieux. Il a aussi une manière pertinente de nous expliquer le principe des subprimes : une maison , c'est comme une banque sur laquelle il faut investir même si les taux d'intérêt sont vertigineux. "La banque de vous", slogan éloquent, simplificateur mais très parlant.

Et puis dans la deuxième partie, il tire à boulets rouges sur les "criminels" de Wall Street , à savoir les financiers soutenus par l'administration Bush dans le délire de la dérégulation. Chacun en prend pour son grade, à commencer par Henry Paulson, Secrétaire au Trésor et ancien président de Golman Sachs.

Que Michael Moore prône, au pays du roi dollar, un changement de système, une lutte des classes dans laquelle il oppose riches et pauvres, c'est une prise de position démagogique mais courageuse. Sauf qu'il n'est pas un homme politique et que contrairement à ce qu'il prétend, le nouveau président américain n'est pas le sauveur qui va tout changer. La réalité est toujours plus complexe.



Albert Dupontel nous revient avec Le Vilain, son quatrième long métrage. Pour échapper à ses anciens complices, un braqueur de banques trouve refuge chez sa mère qu'il n'a pas revu depuis vingt ans. La brave femme voudrait mourir tranquillement mais le ciel semble se refuser à elle. Jusqu'à ce qu'elle découvre que son fils est un horrible rejeton malfaisant et qu'elle est bien décidée à le remettre sur le droit chemin.

Pour la première fois, Dupontel se met en scène face avec une comédienne de poids, Catherine Frot, qui s'est vieillie de vingt ans pour l'occasion. Dès leur première rencontre, le duo fait des étincelles et le talent comique de l'actrice fonctionne à plein régime. Les situations burlesques s'enchaînent et Dupontel fait une nouvelle fois preuve de son talent d'iconoclaste inclassable. Il a surtout l'art de faire exister ses personnages, principaux comme secondaires, et à ce titre, Nicolas Marié, en médecin fou qui doit soigner des blessures par balles à répétition, et Bouli Lanners, en promoteur véreux, sont particulièrement jouissifs.

Catherine Frot et Albert Dupontel 

Dupontel s'en tient à un quasi huis-clos qu'il parsème de gags acides dans lesquels une tortue joue un grand rôle. Même si le cinéaste se répète en utilisant le point de vue subjectif de l'animal (il l'avait déjà fait pour le chat du Créateur), le réalisateur s'amuse et joue avec délectation de la méchanceté de son "héros". L'acteur trouve alors une liberté de jeu qu'on ne trouve pas chez les autres cinéastes avec lesquels il tourne. Le revers de la médaille, c'est qu'il finit pas laisser Catherine Frot au bord de la route, de plus en plus livrée à elle-même.

Un film plus tendre, moins politiquement incorrect que les précédents même si Dupontel ne peut s'empêcher de terminer par une dernière pirouette de sale gosse. Il s'est assagi mais ne s'est pas rangé pour autant. Sa petite musique fait toujours du bien dans un paysage cinématographique français bien timoré. Esperons seulement qu'après ce probable succès, il remette toute son énergie dans un film plus dévastateur que cet aimable vilain.

Antoine Jullien 

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