vendredi 8 avril 2016

Le cinéma à l'heure de la consommation numérique

THE END / 99 HOMES / LA TAVERNE DE LA JAMAÏQUE


Mon Cinématographe vous parle des films en salles mais le cinéma se vit aussi grâce à de nouveaux modèles de consommation numérique via les ordinateurs, tablettes et autres smartphones. Certains le déplorent, d'autres estiment que le processus est inévitable. Rien ne remplacera le plaisir unique de la salle mais l'économie du secteur est dans une telle difficulté, avec une concurrence devenue féroce, que ces nouveaux modes de diffusion sont peut-être une aubaine pour des films fragiles qui n'ont pas le temps d'exister face à la vingtaine de sorties hebdomadaire. 

Pour la première fois en France, un long métrage a été pensé de cette façon. The End de Guillaume Nicloux est accessible depuis aujourd’hui en e-Cinéma, sur toutes les plateformes de vidéo à la demande, pendant 45 jours. Après Valley of Love, le réalisateur embarque à nouveau Gérard Depardieu dans un cauchemar éveillé où l'ogre du cinéma français se retrouve perdu en pleine forêt. L'acteur, de tous les plans, insuffle sa présence animale contrastée par l'ambiance mystérieuse et fantastique du film, mis en scène de manière très minimaliste. C'est un rêve perturbant vécu par le réalisateur lui-même qui a été le moteur de cette œuvre incertaine mais fascinante, l'une des plus abouties d'un cinéaste à la filmographie très (trop) inégale. 

France - 1h17
Réalisation et Scénario : Guillaume Nicloux
Avec : Gérard Depardieu (L'homme), Audrey Bonnet (La jeune femme), Swann Arnaud (Le jeune homme)



 
99 Homes, Grand Prix du dernier festival de Deauville, aurait mérité une sortie en salles. Wild Bunch, son distributeur, à l'avant garde en matière de e-Cinema (Welcome to New York, la série Les Enquêtes du Département V), prolonge donc cette nouvelle méthode de distribution en proposant le film de Ramin Bahrani exclusivement sur les plateformes numériques. Le réalisateur scrute le dérèglement du système en filmant les ravages engendrés par la crise des subprimes sur une famille américaine qui perd sa maison en 60 secondes ! Le fils, sans emploi, va devoir pactiser avec celui qui les a expulsé afin de pouvoir la racheter. 

Le propos du réalisateur n'est jamais manichéen, s'appuyant sur une étude très minutieuse de la crise immobilière qui secoue les États-Unis où les promoteurs, impitoyables et cyniques, usent des pires méthodes pour arriver à leurs fins. Une société au bord de la crise de nerfs, sans garde-fou, sombrant dans la violence et le chaos. Ramin Bahrani prouve une fois encore la capacité du cinéma américain à transformer un sujet de société en vrai film de cinéma, campé par des acteurs au sommet, Andrew Garfield et Michael Shannon en méchant presque malgré lui. Un sombre tableau, d'une grande force, qui interpelle durablement. 

Etats-Unis - 1h52
Réalisation : Ramin Bahrani - Scénario : Ramin Bahrani, Amir Naderi et Bahared Azimi
Avec : Andrew Garfield (Dennis Nash), Michael Shannon (Rick Carver), Laura Dern (Lynn Nash).




L'éditeur Carlotta Films, réputé pour la qualité des ses éditions DVD et Blu-Ray, nous propose une restauration 4K de La Taverne de la Jamaïque*, le dernier film britannique d'Alfred Hitchcock réalisé en 1939, avant son départ pour Hollywood. L'histoire d'une jeune femme (Maureen O'Hara) qui part s'installer chez sa tante en Cournouailles sans se douter que le mari de celle-ci est le tenancier d'une taverne qui est un repaire de brigands ayant pour habitude de piller des navires après leur naufrage. Elle trouve finalement refuge chez l'excentrique juge Pengallan (Charles Laughton) qui n'est autre que le chef du clan. 

Adapté d'un roman de Daphné du Maurier, La Taverne de la Jamaïque est un film mineur dans la carrière d'Hitchcock, que le cinéaste n’aimait d'ailleurs pas beaucoup. Il fut aussi victime de l'égo de son acteur vedette, Charles Laughton, également producteur du film, qui exigea que son personnage soit plus étoffé que dans le roman, n'hésitant pas à multiplier les prises car il n'était jamais complètement satisfait de sa performance, très extravagante. Hitchcock dira de lui plus tard : "Les choses les plus difficiles à filmer sont les chiens, les bébés, les canots à moteur et Charles Laughton." Le réalisateur ne lui en fera pas trop grief, retrouvant le comédien quelques années plus tard sur Le Procès Paradine. A noter que Daphné du Maurier, mécontente de cette adaptation, ne voulait pas que le cinéaste porte à l'écran son roman le plus célèbre, Rebecca. Le producteur David O. Selznick se montra si généreux que la romancière finit par accepter. Le film marqua le début de la carrière hollywoodienne d'Alfred Hitchcock, annonçant son génie visuel et ses futurs chefs d’œuvre.

Antoine Jullien 

* Disponible en DVD et Blu-Ray
Grande-Bretagne, 1939 - 1h40
Réalisation : Alfred Hitchcock - Scénario : J.B. Priestley, Sidney Gilliat, Joan Harrison d'après le roman de Daphné Du Maurier
Avec : Charles Laughton (Le juge Pengallan), Maureen O'Hara (Marie Yellan), Leslie Banks (Joss Merlyn), Robert Newton (Jem Trehearne).

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