mardi 12 novembre 2013

Inside Llewyn Davis


Les Coen ont depuis toujours une affection pour les losers : magnifiques ou pathétiques, ils sont au coeur de l'oeuvre des frangins. En choisissant de rendre hommage à leur manière à un chanteur de folk music qui ne connaîtra jamais la gloire, Joel et Ethan Coen font une touchante déclaration d'amour à ce genre musical qui a vu éclore un certain Bob Dylan. 

Du créateur de I Want you, il en sera brièvement question lors de la dernière scène du film qui voit un jeune chanteur un peu gauche succédé à Llewyn Davis. L'heure et demie qui aura précédé ce bref instant ne nous aura rien épargné des déboires de ce pauvre Llewyn. Pauvre, pas tant que cela quand on voit avec quel talent il sabote une à une les rares opportunités qui s'offre à lui. Nous sommes en 1961, et Llewyn semble constamment décalé par rapport à le musique appréciée par le public, plus facile et plus mièvre, incarnée malicieusement par Justin Timberlake (un autoportrait?). Llewyn est aussi maladroit avec sa carrière qu'avec les femmes (piquante Carrey Mulligan) et surtout avec le chat d'un des ses amis qui le fuie régulièrement, donnant lieu à quelques séquences irrésistibles. 

Oscar Isaac 

Mais Inside Llewyn Davis n'est pas à ranger dans la catégorie comédie, il rappelle plutôt l'excellent A serious Man dans sa manière de filmer l'échec avec style et une pointe de tendresse. Le style, les Coen en font une nouvelle fois une démonstration éclatante grâce à la magnifique photographie de Bruno Delbonnel qui restitue merveilleusement le Greenwich village des années 60 et ses bars enfumés, et à la sobriété de leur mise en scène qui ne verse jamais dans l'artifice. Au beau milieu du récit, ils se permettent soudain une fascinante séquence en voiture qu'on croirait tout droit sortie d'un film noir. John Goodman est un obscur producteur de jazz et Garret Hedlund interprète son étrange chauffeur-assistant. Malgré la drôlerie de certaines répliques, le film se baigne progressivement d'une ambiance vaguement inquiétante, à la limite du fantastique. 

L'absurde que l'on aime tant chez les cinéastes pointe d'ailleurs le bout de son nez, au détours d'un plan (un couloir minuscule d'appartement) où d'une scène qui voit un père vivre un moment d'égarement alors qu'il écoute la chanson de son fils. Mais les Coen nous bouleversent car ils nous parlent des choix existentiels, du chemin forcément chaotique de la vie d'artiste que l'on assume malgré les difficultés. Si on aurait aimé en savoir davantage sur les personnages secondaires (un peu expédiés) et que l'on regrette que certaines séquences demeurent insondables, les Coen ont eu aussi le mérite de révéler un grand comédien, Oscar Issac, de tous les plans, qui prête sa voix et son visage à Llewyn Davis. Parfois antipathique et lâche, par moments inspiré, il incarne superbement l'être humain, dans toute sa complexité. En en musique, s'il vous plaît !

Antoine Jullien

Etats-Unis - 1h45
Réalisation et Scénario : Joel et Ethan Coen
Avec : Oscar Isaac (Llewyn Davis), Carey Mulligan (Jean), John Goodman (Roland Turner), Garret Hedlund (Johnny Five), Justin Timberlake.



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Studio Canal. 

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