Après s'être fait remarqués grâce à La Nana, les chiliens Sebastian Silva et Pedro Peirano réalisent un nouveau huis-clos qui a cette fois comme cadre l'appartement d'une vieille dame au coeur de Santiago. Reprenant une partie du casting de leur film précédent, ils retrouvent ce mélange de comédie et de drame en l'affinant davantage afin d'obtenir un tableau juste et cruel de nos contemporains.
Isadora et Enrique vivent paisiblement dans leur appartement en compagnie de leurs deux vieux chats. Mais l'irruption de la fille d'Isadora va troubler cette apparente tranquillité.
On perçoit dès les premières minutes qu'Isadora, malgré son confort, la présence d'Enrique et ses deux matous, n'a plus toute sa tête. Cette détresse intérieure s'exprime superbement grâce au regard perdu de Bélgica Castro dont la présence semble envahir chaque plan. Les cinéastes ont su retranstrire visuellement sa perte de mémoire en l'isolant dans le cadre et ainsi rendre poreuse la frontière entre son monde à elle et le monde réel. Une image incongrue, l'apparition d'hommes déguisés en abeilles, semble au départ tout droit sortie de son imagination avant que l'on s'aperçoive qu'il s'agit du tournage d'une publicité. Cette confusion, savamment entretenue par les cinéastes, est l'un des intérêts majeurs du film.
Bélgica Castro et Claudia Celedon
Mais il explore surtout les rapports difficiles entre une mère et sa fille qu'elle méprise, présentée comme une femme cupide, irresponsable et droguée. Une description parcellaire qui révélera des failles chez ce personnage souvent détestable mais dont l'humanité rejaillira par moments grâce à la présence de sa petite amie qui échappera elle-aussi à la caricature. Les "vieux" du film ne sont pas en reste et ne s'avèreront pas aussi irréprochables qu'on ne pouvait le supposer.
Grâce à leur utilisation minutieuse du décor qui emprisonne peu à peu les protagonistes en faisant ressortir toute leur colère et leur frustration, les cinéastes créent une tension palpable à mesure que les véritables enjeux se dessinent : le pardon et la réconciliation. Mais s'il l'on croit un instant que le film va se terminer de manière positive, la dernière phrase prononcée par Isadora est, à l'image de cette scène illusoire de course-poursuite dans l'escalier, d'une terrible amertume autant que d'une redoutable lucidité.
Antoine Jullien
Qui se souvient avec exactitude de cette dernière phrase ?
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