mardi 31 août 2010

Le bruit des glaçons

Un homme, en costume de VRP, sonne à la porte d'un écrivain alcoolique reclus dans sa maison qui ne peut pas se séparer de sa bouteille de blanc et de son seau à glaçons. Le mystérieux personnage déclare laconiquement à l'autre : "je suis votre cancer". Nous sommes bien chez Bertrand Blier, qui n'en n'est plus à une provocation près. Mais depuis un certain temps déjà, son cinéma sentait la naphtaline et les audaces d'hier paraissaient aujourd'hui comme dépassées voire carrément ringardes. Le cinéaste retrouve une part de sa verve d'antant sans pour autant signer une oeuvre majeure.

Le cancer fait peur. C'est la raison pour laquelle les producteurs ont reculé devant l'idée saugrenue avancée par le réalisateur des Valseuses. Blier a toujours aimé lié l'humour le plus féroce au morbide le plus glauque et ses meilleurs films ont sublimé ces deux antagonismes. Ce bruit des glaçons est drôle parfois, notamment au début où l'on assiste amusé au combat que se livrent l'écrivain et son cancer. Une bataille que l'on pense inégale jusqu'à ce que Blier fasse intervenir un élément inattendu : une femme. Le cinéaste, souvent taxé de misogyne, tord les clichés grâce au beau personnage d'Anne Alvaro qui finit par devenir le maillon essentiel de l'histoire. L'amour plus fort que la maladie, ce positivisme assumé aurait paru impensable dans la tête du cinéaste il y a encore quelques années. Et l'on se demande si la noirceur d'avant ne lui sied pas mieux tant l'épilogue paraît bâclé et peu concluant.

 Bertrand Blier et Jean Dujardin

Mais le plus revigorant dans ce film qui ne nous dit pas que des choses aimables est la mise en scène du cinéaste. Lui qui avait l'habitude de composer soigneusement ses plans et de tourner ses productions en studio, a décidé (faute de budget ?) d'opter pour une caméra mobile qui déambule dans les couloirs de cette propriété perdue au milieu des Cévennes. En chantre d'un certain surréalisme poétique qu'il n'a jamais abandonné, il parvient, grâce à des choix musicaux pertinents, à varier les styles, l'effroi côtoyant la comédie et la trivialité s'engouffrant dans le fantastique.

Et que seraient les films de Blier sans ses interprètes ? Dans Tenue de Soirée, seul un Gérard Depardieu pouvait déclamer " Mais mon pauvre ami, si j'étais vraiment Pd, y a longtemps que tu y serais passé, à la casserole, enfin ! Réfléchis un p'tit peu, un mec comme moi ! J'te coince entre deux portes et hop : bonjour le chocolat, ramonage des boyaux, la turbine ensorcelée, rouleau de printemps !" pour que cela devienne génialement vulgaire. Blier a cette fois rajeunit ses comédiens et a trouvé dans le duo Dujardin- Dupontel un nouvel allant. Même si le second, jouissif dans les premières séquences, se répète puis disparait progressivement, le premier confirme sa belle présence de film en film. Quoique si tous les alcooliques pouvaient lui ressembler, alors les buveurs de tous poils risqueraient d'augmenter dangereusement.

Antoine Jullien

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire