Loin
du strass et des paillettes, Hollywood a vécu des heures sombres au moment de
l’après-guerre. La Guerre Froide battait son plein et le péril rouge était
dans toutes les têtes, au point de la faire perdre à certains, à commencer par
le sinistre sénateur John McCarthy. La création de la commission des activités
anti-américaines avait pour but de débusquer les citoyens aux sympathies
communistes. De nombreux acteurs, réalisateurs et producteurs sont publiquement
critiqués. Parmi eux, dix scénaristes prestigieux refusent de répondre à la
moindre question de la commission, contestant sa légitimité, dont un certain
Dalton Trumbo. C’est à cette personnalité pleine de contrastes que le
réalisateur Jay Roach consacre un biopic très éclairant sur une époque éprise
de paranoïa aiguë.
Accusé
d’être un communiste alors qu’il est au faîte de sa gloire, Dalton Trumbo est
emprisonné puis placé sur la Liste Noire. Il lui est désormais impossible de
travailler. Grâce à son talent, sa persévérance et au soutien inconditionnel de
sa famille, il va contourner cette interdiction.
Bryan Cranston
La
mise en scène classique et sobre de Jay Roach, qui s’était déjà intéressé à la
chose politique dans le téléfilm Game
Change sur la campagne présidentielle de Sarah Palin, sert au mieux le très
bon scénario de John McNamara qui explore finement la personnalité de Dalton
Trumbo, incarné à la perfection par Bryan Cranston (nommé à l’Oscar pour ce
rôle), tout juste revenu de la série Breaking
Bad. Un homme pétri de contradictions, membre du Parti Communiste tout en
étant le scénariste le plus riche d’Hollywood qui va, au fil des épreuves, se
montrer plus pragmatique et moins idéologue que ses collègues, tout en gardant
ses convictions intactes. Un homme irascible avec les siens, obsédé par son
travail et meurtri de devoir rédiger des scripts sous des pseudonymes, d’abord
pour une série de films fauchés avant d’être couronné anonymement aux Oscars grâce à
Vacances Romaines et Les Clameurs se sont tues.
Michael Stuhlbarg et Bryan Cranston
Sa
réhabilitation viendra en grande partie de Kirk Douglas qui lui confie le
scénario de Spartacus. L’histoire
de cet esclave qui se libère de ses chaînes trouve une résonance évidente dans
le parcours de Dalton Trumbo qui pourra, grâce à ce film, enfin signer de son
vrai nom. Mais il aura dû affronter des adversaires farouches, notamment la
redoutable chroniqueuse mondaine Hedda Hopper (Helen Mirren), au pouvoir de
nuisance considérable, et ceux qui l’ont trahi comme l’acteur Edward J.
Robinson (Michael Stuhlbarg) qui a livré son nom à la commission.
Le
film décrit une atmosphère de suspicion généralisée, au bord de la
folie, où certaines légendes d’Hollywood n’en sortent pas grandies (John Wayne
en pathétique héraut de la sauvegarde du patriotisme yankee), et brille
particulièrement par son humour avec les piquantes saillies de Trumbo et l’irrésistible
John Goodman en producteur de séries Z ayant réellement existé, hilarant
lorsqu’il évoque le script du Martien et
la Fermière qu’un scénariste voudrait rendre plus politique. Malgré lui, il
relancera Trumbo qui sera finalement couvert d’honneur et entraînera le déclin
de la Liste Noire. Un happy-end réjouissant pour un film passionnant de bout en
bout mais qui ne doit pas faire oublier tous ceux mis injustement au ban des
accusés dont la carrière a été broyée à jamais.
Antoine
Jullien
Etats-Unis - 2h01
Réalisation : Jay Roach - Scénario : John McNamara
Avec : Bryan Cranston (Dalton Trumbo), Diane Lane (Cleo Trumbo), Helen Mirren (Hedda Hopper), Elle Fanning (Nikola Trumbo), Michael Stuhlbarg.
Etats-Unis - 2h01
Réalisation : Jay Roach - Scénario : John McNamara
Avec : Bryan Cranston (Dalton Trumbo), Diane Lane (Cleo Trumbo), Helen Mirren (Hedda Hopper), Elle Fanning (Nikola Trumbo), Michael Stuhlbarg.
Disponible en DVD et Blu-Ray chez TF1 Vidéo.
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